En septembre 2023, a été publié par France Stratégique, un centre d’étude ministériel, un très gros rapport intitulé Scolarités : le poids des héritages. Trois sociologues y font la synthèse des travaux de recherche publiés depuis une génération par les spécialistes en sciences de l’Education et des enquêtes menées par la Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) au ministère de l’Education Nationale.
On peut aujourd’hui mieux expliquer les réussites et les échecs des élèves selon l’origine sociale de leurs parents, mais aussi leur sexe et leur origine ethnique. Dès l’âge de 2 ans, les enfants vivant dans des familles favorisées maîtrisent davantage de compétences langagières et comportementales qui favorisent leur réussite scolaire ultérieure. Par contre, les enfants vivent dans des familles à faibles revenus et faible niveau d’éducation, en particulier ceux dont la mère vit seule, et ceux qui sont d’origine immigrée, arrivent en maternelle avec moins d’acquis, d’autant plus qu’ils bénéficient moins que les autres de l’accès aux crèches publiques.
L’héritage socio-culturel des familles marque à vie les enfants, mais leur destin se joue aussi à l’école. L’école maternelle n’efface pas les écarts initiaux mais les réduit sensiblement. La scolarisation à deux ans est particulièrement bénéfique pour les enfants d’ouvriers et d’immigrés, en particulier pour ceux qui ne parlent pas français à la maison. Globalement, en fin de maternelle, les écarts de compétences liés aux origines sociales et ethniques ont été réduits. C’est dire que les explications de la réussite des élèves par les « dons » ou le seul « mérite » sont fausses. La preuve est faite qu’en enseignement adapté par des enseignants bien formés et compétents permet de réduire les inégalités socio-culturelles des familles.
Tout n’est cependant pas acquis avant six ans contrairement à une idée reçue.
Néanmoins les acquis de la maternelle permettent de prédire la plus ou moins grande réussite des élèves dans le primaire. L’école élémentaire rencontre cependant des difficultés à faire progresser équitablement tous les enfants. Les écarts de compétence constatés à l’entrée en CP s’accroissent tout au long du premier cycle. Les élèves de familles défavorisées en maternelle formeront la moitié des élèves en difficulté à la fin du CM². L’autre moitié des élèves en difficulté en a rencontré de nouvelles dans le primaire, en particulier les garçons de milieux défavorisés (ouvriers, chômeurs, familles monoparentales).
Mais l’école élémentaire semble permettre aux enfants issus de l’immigration de rattraper leur retard et de progresser plus vite que les autres, surtout les filles.
On ne peut en vouloir aux parents qui croient donner plus de chance à leurs enfants en les mettant dans le privé, mais il est regrettable qu’il en soit ainsi. C’est le dualisme scolaire qui est à remettre en cause car il renforce objectivement la ségrégation sociale. Le combat laïque doit prendre en compte cette nouvelle dimension du dualisme scolaire qui permet à l’école privée de pratiquer de plus en plus l’entre-soi et le séparatisme social des classes supérieures. Les DDEN aspirent à réunir indistinctement les enfants de toutes les familles dans l’Ecole laïque fondée sur la fraternité nationale.
Belle et heureuse année 2024, chères et chers collègues DDEN.
Eddy KHALDI, 13 décembre 2023